Le quartier de la Madeleine est dans le coeur de Tournus. Faisons ensemble le tour de notre quartier avec Annie Picard qui nous partage son amour et sa connaissance de Tournus.
Le Castrum
Il se trouve sur la petite colline, au sud de Tournus où les Romains s’installèrent C’était un lieu fortifié destiné au ravitaillement des armées en déplacement vers le nord, le long de la Via Agrippa. Cet endroit était à l’abri des inondations de la Saône, mais très proche de cette grande voie de transport.
C’est probablement dans ce lieu que s’exerça l’activité de Valérien, premier évangélisateur de la ville selon la tradition.
Ce fut un quartier actif, même dans le haut Moyen-Âge, où l’insécurité avait fait se réfugier à l’abri de ses murs, la population locale, et même lors du raid des Hongrois, les moines de l’abbaye Saint-Philibert. L’un de ses abbés, Blitgaire, fit réparer le vieux rempart.
L’église romane
du quartier d’abord appelée Sainte Marie du Châtel avant de devenir Sainte-Madeleine fut élevée au XII° siècle, peut-être sur l’emplacement d’une précédente et d’un ancien temple romain. Elle fut réparée après l’effondrement de sa voûte au XIV°. Elle possède des chapelles gothique et renaissance, dues à la générosité de familles influentes. On avait l’habitude de sonner les cloches pendant les orages dans l’espoir d’enrayer la foudre, c’est ainsi qu’en 1558, trois vignerons sonneurs de la paroisse furent foudroyés au cours d’un orage épouvantable.
La « Pierre de saint Valérien » devant une maison proche de l’église fut vénérée par les habitants du quartier jusqu’à ce qu’elle soit enlevée par les administrateurs de l’Hôtel-Dieu à qui elle avait été léguée avec la maison devant laquelle elle se trouvait.
Cette pierre tachée de rouge aurait été celle la même où fut supplicié le saint martyr. Le procès intenté au XVII° siècle à l’occasion de son enlèvement, ne permit pas sa conservation sur place. Elle fut transportée dans la chapelle de l’hôtel-Dieu d’où elle a disparu.
Le dernier curé de la Madeleine avant la Révolution, Nicolas Nicolas, prêtre assermenté, fut nommé curé de Tournus. Mais la pratique de la religion catholique étant supprimée, il habita ensuite une petite maison dans une rue du castrum (voir rue la friperie).
Sainte Agathe était implorée contre les incendies et les orages. Elle servait de patronne aux mères de famille et aux nourrices par allusion à son supplice qui avait consisté à lui couper les seins. Une confrérie regroupait les femmes de la paroisse jusqu’au début du XX° siècle où l’on offrait encore aux jeunes mariées des « petits pains de Sainte-Agathe » en forme de demi sphère, qu’elles gardaient avec leur couronne de mariage.
Les artisans et commerçants
Menuisiers, forgerons, commerçants, aubergistes, ont laissé des traces dans la forme des maisons : celles des artisans dans les petites rues du castrum qui respectent le plan initial de ce dernier, sont constituées d’une grande pièce en rez-de-chaussée, largement ouverte sur la rue, servant d’atelier, tandis que la famille vivait au-dessus.
Les maisons à échoppe que l’on peut voir dans la rue principale, portent témoignage de l’activité commerciale, tandis que les auberges et les débits de boisson répondaient aux besoins des arrivants du midi, débarquant de la porte Sud qui avaient à se restaurer et se loger.
Anciens cimetière et hôpital
L’ancien cimetière du quartier se trouvait à l’emplacement approximatif du Madeleine Palace ainsi nommé par allusion à la sainte patronne du quartier et à sa marraine, Madeleine Renaud, actrice renommée au XX° siècle, dont le mari Jean-Louis Barrault était originaire de Tournus.
Au sud, l’ancien hôpital Saint-Jean, tombé en désuétude fut remplacé par un nouveau couvent, celui des Récollets. Cette fondation coïncidait avec la disparition de la vie conventuelle à l’abbaye. Il fut fondé par l’abbé de La Rochefoucauld pour lutter contre la Réforme Protestante. Les nouveaux moines d’obédience franciscaine avaient pour mission de prêcher et d’aider les curés des paroisses dans leurs fonctions. Après la Révolution, l’emplacement vit le développement d’activités industrielles puis commerçantes.
Les grandes casernes
furent construites grâce à la générosité du Cardinal de Fleury, abbé de Tournus et premier ministre de Louis XV. La population de Tournus se vit ainsi libérée de la corvée très pesante du logement des gens de guerre. Lors de la grande peur de juillet 1789, elles virent l’emprisonnement et le jugement sommaire d’émeutiers que la milice bourgeoise avait arrêtés pour mettre fin aux destructions de châteaux et de récoltes qui avaient lieu dans la région.
Cette imposante construction fut utilisée ensuite comme prison puis comme palais de justice, et pour divers services communaux. Dans les années 1970, elle fut l’objet d’une importante rénovation. Une partie fut supprimée, tandis que le reste bien rénové fournit des salles de réunion et devint l’école de musique de la ville.
C’est en l’honneur de cet abbé que fut nommé le Pas Fleury.
Les activités portuaires
furent très importantes aux XIX° et XX° siècles. Les poulets bressans préparés par des volaillers en vue de leur expédition, sur Lyon, les grains, blé, maïs, betteraves, étaient embarqués ou débarqués sur des péniches par des débardeurs. Bois, charbons, voyageaient ainsi. Le sable de la Saône fut longtemps dragué, jusqu’à la fin du XX°.
Les pierres des carrières
de Lacrost et de Tournus étaient réunies, dans les grandes cours des carriers, appareilleurs et tailleurs de pierre dont on peut encore voir les maisons au sud du quai. De là les pierres partirent pendant des siècles en direction de Lyon où on peut les trouver dans nombre de maisons. L’abbé Garnier ouvrit une école destinée à leurs enfants d’où sortirent nombre d’habiles artisans du bois et des sculpteurs de réputation nationale.
Hôtel du Palais Royal
Le long de l’ex nationale, l’hôtel du Palais Royal, puis Impérial, accueillit Napoléon, lors de son retour de l’île d’Elbe où les très bonapartistes responsables de la ville lui firent un excellent accueil. Ils avaient formé un an auparavant, avec d’autres responsables locaux, un groupe, emmené par le général Legrand de Mercey pour tenter d’enrayer l’avance des troupes autrichiennes occupant Mâcon. Ils reçurent en passant la bénédiction du curé de la Madeleine et pleins d’enthousiasme par ce jour froid du 23 janvier 1814, ils réussirent à repousser les autrichiens au-delà du pont de Mâcon. Cela valut à la ville la Légion d’honneur figurant dans ses armes.
Faisons aussi connaissance avec ces petites rues typiques. Elles portent des noms qui évoquent ce passé moyenâgeux.
La rue du bac
débouchait sur le petit bac, une des possibilités pour traverser la Saône, puisque il n’y eut de pont qu’au XIX°.
La rue des boucheries
évoque l’endroit où on les regroupa dans un but sanitaire, mais sans grand succès.
La rue de la pompe
nous rappelle qu’un des principaux problème des villes anciennes était l’approvisionnement en eau, la trace de quelques puits mitoyens installés à cheval sur les murs des maisons et la rue, subsiste au début de la rue Désiré Mathivet (un sculpteur du XX° siècle).
La rue du 4 septembre
évoque la fondation discrète de la 3° République après le désastre de Sedan à la fin du Second Empire.Sous le nom de rue Saint Jacques, elle abritait des maisons appartenant à des ecclésiastiques, chargés d’accueillir les pèlerins de Compostelle. Elle se trouve sur le rempart du castrum.
La rue de l’église
perdit son nom lorsque eut lieu la séparation de l’Église de l’État et devint la rue Jules Ferry, président de la République fondateur de l’école publique et obligatoire.
La rue Émile Jaillet
est ainsi nommée en l’honneur d’un maire de Tournus dans la première moitié du XX° siècle.
La rue Tilsit
(du traité conclut par Napoléon après l’une de ses victoires), après la destruction en surface du rempart du castrum, fut ouverte sur l’emplacement de ses anciens fossés.